Euridice Zaituna Kala est une artiste mozambicaine basée à Paris. Elle a été formée à la photographie à la Market Photo Workshop à Johannesburg où elle a vécu près de 10 ans. Sa pratique artistique est à l’image de son quotidien : hétéroclite, hybride, kaléidoscopique. Son travail n’appartient à aucun genre en particulier, elle modèle à travers ses pérégrinations sa pratique pluri- disciplinaire. Sa pensée perméable se construit à travers ses déambu- lations, elle articule ses recherches et ses créations, entre l’historique et l’autobiographique de ses déplacements. De sa quête découlent des collections d’objets et d’instants, présents à travers des performances, des installations, des poèmes, des simulacres, des photographies.
Le projet Sea(E)scapes démarre en 2015, motivé par la découverte de l’épave du navire négrier « São José Paquete d’Africa », retrouvé au large du Cap (Afrique du Sud). Euridice Zaituna Kala commence alors à retracer la route empruntée par le navire. Parti d’Ilha de Mozambique (Mozambique) avec à son bord plus de 400 esclaves, il disparaît au large du Cap en 1794. 210 hommes et femmes meurent durant le nau- frage, les autres, capturés à nouveau sont emmenés vers la destination prévue initialement : São Luis do Maranhão au Brésil.
Sea(E)scapes nous parle de cette histoire inouïe, autant que des pro- cessus inhérent à la construction d’une archive – parler de l’histoire de ce navire c’est faire acte de mémoire sans pouvoir disposer d’elle. Il y a une dimension utopique dans Sea(E)scapes. Comme Champollion déchiffrait les hiéroglyphes “inaudibles”, Kala investigue l’Histoire avec un degré de certitude variable et se la réapproprie pour devenir archive incarnée.
Euridice a arpenté une bande de ce littoral qui a vu nombre de tristes navires partir pour ne plus revenir. Elle a fait déborder cet itinéraire aux deux Saint-Louis (Sénégal, France). Par sa propre errance, Kala recon- struit cette histoire autrement que par le récit factuel.
Parmi les divers objets, cartes postales, atlas, vidéo, ouvrages… accu- mulés durant ses voyages, Kala a produit une centaine de photogra- phies polaroids – un instantané du paysage matérialisé.
Aujourd’hui, il est nécessaire de redonner à ces documents toute leur valeur historique et artistique à travers une exposition.
En pénétrant dans la galerie le Salon H, on découvre un plafond d’orig- ine (in XVIIIème) occupé de larges poutres de bois. Kala a décidé de concevoir une sculpture/installation qui intègre ce décor dans le vocabulaire de son projet. Par un jeu de miroir, Kala utilise le rythme des poutres pour recomposer la carcasse d’un navire – elle plonge le visiteur dans les relets entremêlés de bois, entre images et espaces. Présentée dans une des vitrines en rétroprojection, une vidéo de l’ar- tiste réunira les éléments marquants de sa recherche dans une sorte de proto-documentaire.
Détachées de leurs contextes initiaux, les images s’entrelacent, et de là réactualisent le sens comme une errance de la pensée.
Ce n’est plus l’objet à distance qui intéresse mais ce qu’il délivre com- me message, faisant partie d’un ensemble. Par là, Sea(E)scapes ouvre d’autres questions sur les limites entre recherche – galerie – institu- tionnel et statut d’auteur : que décide-t-on de mettre en valeur et sous quels prismes ? A l’instar de l’épave du navire “São José Paquete d’Africa” repêché au large du Cap et aussitôt déplacé au Smithsonian African American Museum aux Etats-Unis en 2015.
L’exposition Sea(E)scapes fait partie du programme oficiel de la saison
Africa 2020 (sous la direction de N’Goné Fall) qui se déclinera partout en France (Guadeloupe, Guyane et Réunion compris), entre juin et décembre 2020. Dans ce cadre, Euridice Kala et Manon Barbe partici- peront au forum de l’association AWARE regroupant des historiens de l’art, des curateurs et des artistes en septembre 2020.
Le projet développé pour le salon H, mêle la production d’une vidéo d’artiste, une installation, le langage photographique, la performance, et des ateliers de recherche autour du zine comme format de publica- tion pour cette exposition. Sea(E)scapes a aussi imaginé une program- mation que nous nommons la recherche en réseau. Nous ouvrirons notamment le dialogue sur des questionnements d’actualité comme le partage des eaux internationales et les migrations invisibles.
Manon BARBE commissaire de l’exposition
euridice kala
Euridice Zaituna Kala est une artiste mozambicaine basée à Paris.
Elle a été formée à la photographie à la Market Photo Workshop (MPW-2012) à Johannesburg.