*Can’t sing dry crumbs my throat
héloïse delègue
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2 décembre au 5 février 2022
Le travail d’Héloïse Delègue nous propose une expérience singulière de l’intime et de l’autofiction. Sa pratique emprunte directement celle du détective dont on suivrait pas à pas les différentes étapes d’investigation. Tout commence par la collecte d’indices sans hiérarchie de sens ou de valeurs. Phrases ou mots prononcés, gestes échangés, échantillons de tissus, croquis esquissés sont tout d’abord collectés. Vient ensuite le travail d’inventaire et de classification. Les indices sont scrupuleusement rapprochés, l’artiste procédant par association, bricolage, déconstruction, ravaudage. Mais tout à coup le processus semble déraper, la confrontation des indices conduit à une prolifération irrépressible de sens et de récits possibles.
Chaque pièce présentée dans cette exposition constitue donc le jalon d’un journal intime, se propageant naturellement d’un médium à un autre : textiles peints, broderies, céramiques, dessins, vidéo. Le visiteur, assigné à une posture de voyeur, est incité à décrypter ce qui lui est montré sans ordre précis pour le guider. Il doit accepter de se laisser happer par le ‘sans queue ni tête’ des récits qui s’ouvrent à lui, tout en se sentant gagné par un sentiment étrange d’humour, de vulnérabilité et de gêne.
Le visiteur y saisira des références autobiographiques, des questions sur l’identité, le genre, la sexualité ou les rapports de domination. Il réalisera qu’à travers le prisme de l’artiste la vie semble devenir fluide, poreuse comme les gestes amples de sa peinture, une larme observée au microscope, ou des décalcomanies posées sur la peau. Il côtoiera des corps distordus réduits à des organes primaires : seins, jambes, bouches, langues, yeux, ne communiquant que par onomatopées, bulles de bandes dessinées, emojis et mèmes, et des princesses se transformant bien évidemment en crapaud.
Le visiteur pourra se dire que cette jeune artiste s’inscrit bien en digne héritière de Dada dans la lignée de cette nouvelle génération de plasticiennes, qui, comme Laure Prouvost ou Camille Henrot, pratiquent avec bonheur le métissage des langages. Il pourra aussi penser, comme il est ici chuchoté, que l’herbe est forcément plus verte ailleurs. Mais il sera certain d’avoir vécu une expérience cathartique unique, inscrite de plein pied dans la modernité. Et il repartira peut-être séduit, certainement bousculé, avec le souvenir de cette déflagration salutaire qui lui a été proposée. « That’s all folks ! »
héloïse delège
Née à Paris en 1985, Héloïse obtient sa licence en Arts Plastiques à la Sorbonne en 2013. Elle intègre plus tard le Goldsmiths College à Londres, et obtient un Master en Arts Plastiques en 2018.
Lauréate de l’Abbey Fellowship, elle sera en résidence à la British School at Rome à partir d’avril 2022. Son travail est également remarqué lors de la Augusta Scholarship in Painting en 2018.