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DU CORPS À L’ÂME
Photographies, sculptures et installations
neda razavipour
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du 12 au 28 octobre 2023
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DOSSIER DE PRESSE

CATALOGUE DIGITAL

À l’occasion de cette exposition Neda Razavipour a souhaité prolonger un travail entamé il y a quinze ans, directement inspiré de la gravure l’Ange écorché de Jacques Fabien Gautier d’Agoty. Exposé à Téhéran en 2012, ce travail mêlant nudité féminine, jouissance et sacré, avait été considéré soit comme une provocation, soit comme acte de bravoure insensé. Dix ans après, l’artiste a souhaité redécouvrir ce travail en lui adjoignant des travaux plus récents, afin d’observer ce qui perdure et se transforme et « faire jaillir la part de ce qu’on appelle l’âme dans le corps, et l’art ».

 

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L’installation, intitulée “du Corps à l’âme” que propose l’artiste iranienne Neda Razavipour à la galerie Le salon H ressemble à une enquête archéologique, celle que conduirait l’artiste sur sa propre existence. Au sol, et suspendus dans les salles, voilà comme un rapport de fouille : des photographies de nus de l’artiste, des débris de vaisselles, dans des boites vitrées, véritables blocs sculptures, ou tissés dans sa robe blanche, fragments de réel, inscrits, chacun, dans un moment de l’histoire de l’artiste. Ces objets hétéroclites, témoins du chantier, fabriquent un récit en morceaux, occupant près de vingt ans de son parcours – peut-être celui qui conduit du « corps » de l’artiste, au centre de cette présentation (les nus, la robe), à son « âme » ? Pour être précis de 1994 à 2012, et jusqu’à aujourd’hui. Est-ce l’histoire d’une âme qui se déploie ainsi ? De cette fouille, l’artiste identifie des événements datés et du temps étale. Des éclats et un climat.

 

Évènement séminal pour l’artiste, la visite de « L’âme au corps », titre de l’exposition de 1994 (à laquelle fait écho cette installation) qui engageait un dialogue encyclopédique entre les savoirs à la recherche de l’âme et de ses manifestations dans le corps. Malgré l’atmosphère de scientisme qui dominait le propos, l’exposition tentait de soulever le voile sur cet « immatériel » qui habite le corps : l’« âme ».

Neda Razavipour en retint des images, qui devaient resurgir bien plus tard dans son travail, notamment la célèbre estampe anatomique de Jacques-Fabien Gautier d’Agoty, Femme vue de dos, disséquée de la nuque au sacrum, dite L’Ange anatomique (1746). Cette oeuvre marqua les Surréalistes, sensibles à « la beauté convulsive » mise ainsi en scène dans cet écorché. Fallait-il donc soulever la peau pour tenter d’apercevoir l’âme dans les replis de la chair ? L’âme, semblait-dire l’exposition, c’est du corps !

Près de trente ans après l’exposition de Jean Clair et Jean-Pierre Changeux, l’artiste proposait en 2012 dans une galerie de Téhéran, une exposition « réplique » dans laquelle, prenant explicitement modèle sur cette femme écorchée vue de dos, plus nue que nue, elle mettait en scène sa propre nudité, également vue de dos, rencontrant dans cette pose, d’autres chefs d’oeuvres de l’art – comme le nu de dos de la baigneuse dite de Valpinçon (1807) d’Ingres ou plus tard, comme une citation amusée, Le violon d’Ingres de Man Ray (1924). Ainsi peut-être l’exposition de 2012 à Téhéran prolongeait-elle cette série de nus, en faisant cette fois de l’artiste, le modèle. Changement de perspective déterminant qui sans enlever de l’érotisme, ajoutait une forme d’ironie au propos. Après tout, tourner le dos, c’est se refuser…Mais ainsi elle s’armait aussi d’une longue théorie de chef d’oeuvres pour exposer le nu de dos d’une iranienne au XXI e siècle, dans une république islamique puritaine, dotée d’une police des apparences, patrouillant alors – et plus encore aujourd’hui- pour faire respecter le port du voile sur la face des femmes. Alors un nu de dos, sans voile sur les fesses !

Mais il y avait plus. Neda posait nue, de dos, mais « en ange ». L’artiste entendait ainsi engager la conversation avec cet ange anatomique, et ses étranges volets de chair, relevés comme des ailes, dans la gravure de Gautier d’Agoty. Cette femme au dos dépecé, pour des raisons scientifico-esthétiques, ne rappelle-t-elle pas un autre corps torturé – comme celui que Georges Bataille décrit un, dans L’érotisme, avec cette terrible photo d’un supplicié chinois, ainsi dépecé, qui produit un rictus de jouissance ? La science soulevant le voile-peau au XVIII esquisse un drôle de pas de deux avec la religion voilant tout morceau de peau aujourd’hui en Iran. Torture pour torture. Neda ouvre toutefois une méditation sereine et même ironique sur son « devenir-ange ». Là, rien de cruel. A la manière des Elégies de Duino où Rilke pense et se pense en poète à travers l’ange, Neda feuillette dans une succession de photographies, catalogue de paires d’ailes, la multiplicité de ses anges intérieurs possibles. Peut-être ces ailes sont-elles les attributs supposés de la femme ou de l’artiste ? Tantôt ailes absentes, dont deux tortillons de feutres indiquent les accroches ; tantôt ailes postiches, accessoire de Carnaval ou éventail de coquette déployé dans le dos ; tantôt encore ailes blanches que l’on fixe aux enfants dans des fêtes, mièvrerie d’adulte ; tantôt enfin « plume », signe métaphysique de la légèreté…Neda s’amuse de ses doubles angéliques.

D’une exposition l’autre, c’est un morceau de vie, une trajectoire intellectuelle, que l’artiste archéologue reconstitue. A Téhéran, l’artiste s’interrogeait déjà. Rarement un artiste n’avait exploité avec autant de force le souvenir d’une exposition. Aujourd’hui, avec cette installation parisienne, l’artiste, comme dans une nouvelle question emboitée, semble dire : que nous disent cette robe blanche qu’elle portait alors (comme celle d’une mariée ?), et ces éclats d’assiettes, de poteries agrégées en blocs sculpturaux vitrés, et ces photos de nus en ange ? quelle histoire (se) raconter ? L’archéologie, dit l’expert, c’est « l’invention du passé ». Même fonctionnement que la mémoire. Selon les morceaux retrouvés et la manière de les agencer, l’histoire qui se construit n’est pas la même. Sans doute y a-t-il dans cette série, la remémoration d’un moment dans la vie de l’artiste – et de la femme -, la commémoration d’une histoire de l’art exaltant la beauté toute cru du nu féminin, et le manifeste, enfin, de l’existence d’une âme, insaisissable, au-delà du corps, opposable à tous ceux qui ne voient dans une femme, qu’un corps. Neda a voulu reprendre le mot « âme ». Dans nos sociétés désenchantées – dont L’âme au corps était indicative – il n’y pas d’âme qui tienne. Sinon comme la métaphore de l’esprit, de la pensée, ou même de l’humeur. Pourtant c’est bien ce mot, cette réalité insaisissable, légère comme l’humour ou la plume, moins visible que sensible, qui surgit dans cette installation. 

La philosophe Simone Weil évoquait l’âme comme quelque chose « d’enfoncé dans le corps », et qui, comme le corps, avait des besoins. Dans La personne et le sacré, elle l’identifiait au « besoin de bien ». Le besoin de l’âme, c’est de recevoir du bien – souvent empêché par le corps. C’est peut-être cette lutte de l’âme et du corps que l’artiste tente de mettre en scène. 

Aujourd’hui, compte tenu de la catastrophe quotidienne qu’est devenue la vie Iran, c’est vers un autre ange que ces variations conduisent. L’ange de l’histoire, Angelus novus de Paul Klee, auquel Walter Benjamin a consacré jadis une méditation. Je ne peux m’empêcher de penser à cet ange, qui, lui aussin présente son dos, mais faute de pouvoir être de face. Dans son article, Sur le concept d’histoire, Walter benjamin, avec ce goût talmudique pour la parabole, décrivait le geste de l’ange. «Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant s’élève jusqu’au ciel».Neda Razavipour a beau être légère,l’installation pointele tragique de l’histoire. Que restera-t-il après la catastrophe? Quelles traces permettront de faire revivre l»’âme» d’un pays, fracassé jusque dans son quotidien domestique? L’âme, avec ses ailes, incarne sans doute le désir de voler, de fuir, de quitter cette robe alourdie, ce corps mort (soma/sema (corps/tombe). Pour retrouver la liberté. 

Femme. Vie. Liberté. 

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Thierry Grillet – Commissaire d’exposition, essayiste

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neda razavipour - L'Ange Ecorché

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